Voter stratégique : symptomatologie de la servilité démocratique contemporaine
Résumé :
Le phénomène du "vote stratégique" s’impose aujourd'hui comme un symptôme alarmant de la dégénérescence du discernement démocratique au sein des sociétés dites « éduquées ».
Sous couvert de rationalité, le vote stratégique n’est en réalité qu’une abdication collective, justifiée par une rhétorique de la peur et du moindre mal.
1. Définition opérationnelle du vote stratégique
Le vote stratégique se définit comme l’acte par lequel un électeur renonce sciemment à exprimer son choix véritable pour favoriser, par pur calcul probabiliste, l’issue la moins inacceptable parmi celles offertes par le système électoral.
Cet acte présuppose :
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Que l’électeur substitue son jugement personnel aux attentes perçues de la majorité.
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Que l’électeur s’auto-conditionne à agir contre ses propres convictions pour se conformer à une dynamique d'évitement.
2. Analyse critique : la défaite volontaire du souverain individuel
La pratique du vote stratégique révèle plusieurs tares intellectuelles profondes :
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La dissolution de la conscience politique dans la peur du résultat.
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La substitution du choix éthique par une stratégie défensive primaire.
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La disparition de toute conception agonistique et créatrice de la démocratie.
En d'autres termes, le stratège électoral contemporain ne se pense plus comme acteur mais comme variable passive d’un système qu’il estime immuable et devant lequel il se soumet, sans même l’exiger explicitement.
3. Vote stratégique et fausse sophistication intellectuelle
Le recours au vote stratégique est souvent maquillé par une posture de "réalisme éclairé", cultivée principalement parmi ceux qui se perçoivent comme des individus éduqués.
Or cette posture :
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Confond prudence et capitulation.
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Confond pragmatisme et servilité.
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Confond sagesse et obéissance aux structures existantes.
La prétention de "penser stratégiquement" n'est, au fond, que l'habillage rhétorique d'une peur d’assumer la liberté politique à l’état pur.
4. Conséquences sociétales : la consolidation du statu quo par l’intelligentsia
À force de voter stratégique :
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Les structures politiques existantes sont sanctuarisées.
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L'émergence d'alternatives viables est systématiquement étouffée.
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La population se résigne progressivement à vivre sous le régime du moins pire institutionnalisé.
Ce faisant, l’intelligentsia qui prône le vote stratégique devient la gardienne involontaire de l’ordre mortifère contre lequel elle feint de s'indigner.
Conclusion
Voter stratégique n’est pas une preuve de lucidité politique.
C’est l'aveu honteux d'une démocratie intériorisée comme mécanique de résignation.
Ainsi, le vote stratégique n’est pas l’apanage des esprits raffinés ; il est la manifestation subtile de leur échec.
Car ce n’est pas l’éducation qui fait l’homme libre.
C’est le courage.