PROJET DE LOI
Loi assurant le droit au télétravail pour les personnes devant traverser le fleuve Saint-Laurent
PRÉAMBULE
ATTENDU QUE le gouvernement du Québec affirme vouloir réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer la qualité de vie des citoyens et promouvoir la responsabilité sociale des organisations ;
ATTENDU QUE de nombreux emplois peuvent désormais être effectués à distance grâce aux technologies de l’information ;
ATTENDU QUE la traversée quotidienne du fleuve Saint-Laurent pour se rendre au travail entraîne une perte de temps significative, une augmentation du stress, un risque accru d’accidents, ainsi qu’un impact environnemental non négligeable ;
ATTENDU QUE il est cohérent avec les objectifs de développement durable, de santé psychologique, de sécurité routière et de justice sociale de limiter les déplacements inutiles lorsqu’un poste peut raisonnablement être accompli à distance ;
L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC DÉCRÈTE CE QUI SUIT :
CHAPITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1 – Objet de la loi
La présente loi a pour objet de garantir, dans la mesure du possible, le droit au télétravail pour les salariés dont le lieu de résidence et le lieu habituel de travail sont séparés par le fleuve Saint-Laurent, lorsque leurs tâches peuvent être accomplies à distance sans préjudice sérieux pour l’organisation.
Article 2 – Champ d’application
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La présente loi s’applique à tout employeur de juridiction provinciale exerçant des activités au Québec, qu’il soit du secteur public, parapublic ou privé.
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Elle s’applique à tout salarié lié par un contrat de travail, à temps plein ou partiel.
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Des dispositions particulières peuvent être prévues par règlement pour certains secteurs d’activité présentant des contraintes particulières.
Article 3 – Définitions
Aux fins de la présente loi, on entend par :
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« Traversée du fleuve Saint-Laurent » :
L’obligation, pour un salarié, d’emprunter un pont, un tunnel, un traversier ou tout autre moyen de franchir le cours principal du fleuve Saint-Laurent pour se rendre de sa résidence principale à son lieu habituel de travail. -
« Poste télétravaillable » :
Un poste dont les tâches peuvent être accomplies, en tout ou en partie, au moyen d’outils numériques et de communication à distance, sans exigence essentielle de présence physique continue sur les lieux de travail (ex. : soins directs, manutention, opérations physiques, accueil du public en personne, etc.). -
« Télétravail » :
Une forme d’organisation du travail dans laquelle une tâche qui aurait pu être effectuée dans les locaux de l’employeur est effectuée hors de ces locaux, de façon régulière ou partielle, au moyen des technologies de l’information et de la communication. -
« Motif sérieux de refus » :
Un motif objectif, documenté et spécifique lié :-
à la nature des tâches ;
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à la protection de renseignements confidentiels ou stratégiques lorsque les mesures raisonnables de sécurité ne peuvent être mises en place à distance ;
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à la santé ou à la sécurité du public ;
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au fonctionnement essentiel et continu de l’organisation.
Un simple inconfort de gestion ou une préférence générale pour la présence physique ne constitue pas un motif sérieux.
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CHAPITRE II
DROIT AU TÉLÉTRAVAIL POUR LES SALARIÉS TRAVERSANT LE FLEUVE
Article 4 – Droit au télétravail
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Tout salarié dont la résidence principale et le lieu habituel de travail sont séparés par le fleuve Saint-Laurent a le droit de demander à effectuer son travail en télétravail, à temps plein ou partiel, lorsque son poste est télétravaillable.
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Sous réserve des dispositions de la présente loi, l’employeur est tenu d’accorder cette demande, sauf s’il démontre l’existence d’un motif sérieux de refus.
Article 5 – Modalités minimales
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Lorsque le poste est télétravaillable, l’employeur doit offrir au minimum :
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soit du télétravail à temps plein ;
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soit un mode hybride prévoyant au moins trois jours par semaine en télétravail, sauf entente plus favorable pour le salarié.
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Un nombre moindre de jours de télétravail ne peut être imposé unilatéralement par l’employeur lorsqu’aucun motif sérieux ne le justifie.
Article 6 – Demande du salarié
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La demande de télétravail doit être faite par écrit par le salarié et préciser :
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son lieu de résidence principale ;
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la nature de ses fonctions ;
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la modalité souhaitée (temps plein ou partiel).
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L’employeur doit accuser réception de la demande dans un délai de 7 jours.
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L’employeur dispose d’un délai maximal de 30 jours pour répondre par écrit de façon motivée.
Article 7 – Réponse de l’employeur
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En cas d’acceptation, l’employeur et le salarié conviennent d’une entente de télétravail précisant :
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la répartition des jours en télétravail et en présentiel ;
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les équipements fournis ;
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les plages de disponibilité ;
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les modalités de protection des données et de santé et sécurité.
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En cas de refus, l’employeur doit :
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exposer clairement les motifs sérieux qui justifient le refus ;
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démontrer en quoi ceux-ci s’appliquent spécifiquement au poste ou à la situation du salarié ;
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indiquer, le cas échéant, quelles adaptations seraient nécessaires pour rendre le télétravail possible à l’avenir.
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Un refus non motivé ou reposant sur des considérations vagues ou générales est réputé injustifié.
CHAPITRE III
GARANTIES, ÉQUIPEMENTS ET CONDITIONS DE TRAVAIL
Article 8 – Égalité des droits
Le salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits et avantages que le salarié en présentiel, notamment en ce qui concerne :
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la rémunération ;
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la progression salariale et les promotions ;
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les avantages sociaux ;
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l’accès à la formation ;
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l’évaluation de la performance.
Toute discrimination fondée sur le recours au télétravail est interdite.
Article 9 – Équipements et frais
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L’employeur fournit, ou rembourse raisonnablement, les équipements nécessaires au télétravail, notamment :
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l’ordinateur ou l’outil de travail principal ;
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les logiciels nécessaires ;
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l’accès sécurisé aux systèmes de l’organisation.
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Une compensation raisonnable pour l’utilisation de la connexion Internet ou d’autres frais directement liés au télétravail peut être prévue par règlement ou par entente collective.
Article 10 – Santé, sécurité et charge de travail
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L’employeur doit prendre des mesures raisonnables pour prévenir les risques liés au télétravail, notamment ergonomiques et psychosociaux.
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La charge de travail ne peut être augmentée du seul fait du télétravail.
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Le droit à la déconnexion doit être respecté, conformément aux lois et règlements en vigueur.
CHAPITRE IV
MÉCANISMES DE CONTRÔLE ET RECOURS
Article 11 – Burden of proof (charge de la preuve)
En cas de contestation, il incombe à l’employeur de démontrer que :
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le poste n’est pas télétravaillable ; ou
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il existe un motif sérieux de refus tel que défini à l’article 3.
Article 12 – Rôle de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)
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La CNESST est chargée de veiller à l’application de la présente loi.
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Elle peut recevoir les plaintes des salariés s’estimant lésés par un refus injustifié de télétravail.
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Elle peut exiger de l’employeur :
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les documents justifiant le refus ;
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les descriptions de tâches ;
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les politiques internes relatives au télétravail.
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Article 13 – Sanctions
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Lorsqu’un employeur refuse sans motif sérieux ou ne respecte pas ses obligations en vertu de la présente loi, la CNESST peut ordonner :
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l’octroi du télétravail au salarié selon des modalités déterminées ;
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le versement d’une indemnité compensatoire pour le préjudice subi ;
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la modification des politiques internes jugées contraires à la loi.
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Des amendes administratives peuvent être prévues par règlement pour les organisations en situation de récidive ou de refus systématique.
CHAPITRE V
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES ET TRANSITOIRES
Article 14 – Secteurs particuliers
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Le gouvernement peut, par règlement, définir :
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des catégories de postes réputés télétravaillables ;
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des catégories de postes réputés non télétravaillables ;
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des règles spécifiques pour certains secteurs essentiels.
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Ces règlements doivent être fondés sur des critères objectifs et publiés de manière transparente.
Article 15 – Négociation collective
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Les conventions collectives en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi doivent être harmonisées avec celle-ci lors de leur renouvellement.
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Rien dans la présente loi n’empêche la conclusion de dispositions plus favorables pour les salariés.
Article 16 – Plan de transition
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Dans les 12 mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, tout employeur concerné doit :
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recenser les postes potentiellement télétravaillables ;
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identifier les salariés concernés par l’obligation de traverser le fleuve Saint-Laurent ;
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adopter une politique de télétravail conforme à la présente loi ;
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en informer les salariés de manière claire et accessible.
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CHAPITRE VI
DISPOSITIONS FINALES
Article 17 – Règlements
Le gouvernement peut, par règlement, prendre toute mesure nécessaire à la mise en œuvre de la présente loi, notamment quant :
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aux modalités de compensation des frais de télétravail ;
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aux critères d’évaluation du caractère télétravaillable d’un poste ;
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aux barèmes de sanctions administratives.
Article 18 – Interprétation favorable au salarié
En cas de doute sérieux quant à l’interprétation d’une disposition de la présente loi ou quant au caractère télétravaillable d’un poste, l’interprétation la plus favorable au salarié doit prévaloir.
Article 19 – Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement, lesquelles ne peuvent être postérieures de plus de 18 mois à la date de sa sanction.