Dialogue au Café Lux

— où Lucifer et Lucidité se croisent à la frontière du visible.

Dans un café à la lumière tamisée, une ampoule nue suspendue au plafond grésille. Assis à une table isolée, deux êtres.


Lucifer

( sirotant un espresso noir comme l’abîme )
Alors, te voilà. L’"éveillée", la "clairvoyante". Mademoiselle Lucidité. On m’a dit que tu avais le vent dans les voiles ces temps-ci.


Lucidité

( regarde calmement, une lueur douce dans les yeux )
Et toi, toujours aussi flamboyant. Mais dis-moi… tu portes encore la lumière ou tu l’enterres sous tes sarcasmes ?


Lucifer

( sourire en coin )
J’ai porté la lumière avant que ça soit à la mode. Et j’en ai payé le prix.
Toi, tu l’observes à distance. Moi, je m’y suis brûlé les ailes.


Lucidité

Tu t’es pris pour le centre. La lumière n’était pas à toi.
La voir clairement, c’est déjà immense. La servir, c’est noble.
La posséder ? C’est dangereux.


Lucifer

( ricane )
Toujours aussi sage, hein ? Tu sais que tu n’es pas très populaire, Lucidité. Les humains te fuient comme la peste. Trop tranchante, trop crue, trop… exigeante.


Lucidité

Je sais. Mais je n’ai pas besoin d’être aimée. Je suis là quand ils sont prêts.
Et toi ? Tu parles d’eux comme s’ils étaient à toi. Ça te ronge, hein ?
D’avoir été le préféré. D’être devenu le banni.


Lucifer

( regard sombre, voilé de nostalgie )
Ils m’ont fait un démon pour avoir osé demander pourquoi.
Toi, tu les aides à poser cette même question… sans brûler.
C’est ça qui me fascine chez toi.


Lucidité

Je n’ai pas ton éclat. Mais j’ai la persistance.
Je ne flambe pas, je  révèle . Lentement. Doucement.
Comme une lampe qui s’allume dans la nuit d’un esprit en éveil.


Lucifer

( se lève, prêt à partir, en ramassant ses cendres )
Fais attention à ne pas devenir dogmatique.
Même la lumière, mal utilisée, peut aveugler.


Lucidité

Et toi, n’oublie pas…
Même l’ombre existe parce qu’il y a de la lumière.


Lucifer s’éloigne. Une lueur étrange traverse la pièce. Lucidité reste seule, paisible. Elle sourit, puis disparaît à son tour, comme une idée que l’on n’arrive jamais tout à fait à oublier...